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Celle qui voit les sourires derrière les masques • Un reportage de Sandra Fastré


PAR Gérald Vidamment, Vendredi 15 Mai 2020



image extraite du reportage "Petit geste pour grands bonheurs"
"J'ai eu le temps de faire le Festival Burlesque de Toulouse, les 5, 6 et 7 mars. Ce fut le dernier spectacle avant mon confinement... Je suis alors passée de chef d'entreprise, avec une activité plutôt florissante, à... plus rien." Ainsi débute le reportage photographique et sonore de Sandra Fastré, intitulé Petit geste pour grands bonheurs, sur la situation de Florence. Artiste évoluant dans le domaine du cabaret, celle-ci se retrouve brutalement sans emploi dès le premier jour du confinement en France. Elle doit alors réinventer sa vie et trouver rapidement un nouveau travail car elle ne peut prétendre à aucune aide. Grâce à la solidarité et aux réseaux sociaux, elle est embauchée le 1er avril dans un Ehpad où elle occupe le poste d'accueil.

"Petit geste pour grands bonheurs" de Sandra Fastré


Florence et Sandra se connaissent depuis une dizaine d'années. "Nous avons été présentées par une amie commune sur Toulouse. Depuis, nous nous suivons mutuellement sur les réseaux sociaux. À mes tout débuts, elle avait participé à un projet sur le sujet du célibat. Et puis, chacune a fait son chemin de son côté. Je suis entrée au sein de Hans Lucas et y ai développé mon travail. Quant à Florence, elle a créé le Festival Burlesque de Toulouse qui se déroule chaque année dans un cabaret toulousain. Nous sommes toujours restées plus ou moins en contact. D'ailleurs, je n'arrive jamais à avoir une place pour assister à ses spectacles... C'est toujours complet !" me raconte Sandra.

Florence n'a pas simplement retrouvé un emploi lui permettant de payer ses charges. Elle tient depuis un mois et demi un rôle déterminant au sein de cet établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. "Florence est la première personne qui répond aux familles (téléphone et lors des visites pour le port du linge, par exemple). C'est aussi elle qui a en charge la relation avec les fournisseurs extérieurs comme celui de récupérer les journaux de presse pour la distribution aux personnes âgées. C'est le premier contact visuel ou oral de toute personne non résidente à l'établissement. C'est aussi elle qui passe les mots, attentions des familles auprès des résidents en plus des actions Whatsapp réalisées par les équipes. Elle participe enfin au maintien des contacts, informe des petits échanges sur telle ou telle activité, comme elle le raconte dans le diaporama sonore. Les familles comme les résidents ont besoin d'être rassurés." explique Sandra.

Le déroulement du reportage

"Le reportage s'est déroulé au domicile de Florence car il était quasiment impossible d'obtenir une autorisation pour me rendre au sein de l'Ehpad. Toutes les précautions ont été prises.", me raconte Sandra. "L'histoire de Florence traite de la détresse vécue par beaucoup de personnes ayant un poste précaire ; et j'assistais là à un acte de résilience face à la situation anxiogène que nous connaissons tous. Je savais que par son métier initial (spectacle de cabaret, danseuse burlesque, modèle vivant en arts et auprès des photographes) elle se retrouvait sans emploi aussi brutalement que fut l'annonce du confinement pour la majorité d'entre nous. Florence s'est alors créée une nouvelle vie, qu'elle ne s'imaginait pas du tout début mars. Face à l'incertitude du lendemain, elle s'est retrouvée dans une sorte d'urgence où il fallait à tout prix rebondir. Au moment de sa recherche de travail, les personnes âgées fragiles comme leurs familles vivaient une situation difficile émotionnellement parlant. L'interdiction de contact physique avait des effets néfastes sur la santé mentale des résidents et créait une souffrance mutuelle avec les proches. Le fait d'obtenir un poste à l'accueil d'un Ehpad, et connaissant la personnalité de Florence, j'ai rapidement compris le rôle majeur qu'elle y jouait", poursuit la photographe.
"Florence est, comme j'aime à le dire, "un petit oiseau du paradis" qui égaye le plus possible ; et tout compte fait elle a rencontré un nouveau public avec qui elle a beaucoup de points communs. Son univers se nourrissant du vintage, des chansons anciennes et de la broderie, cela ne pouvait que lui réussir, autant par le contact avec les résidents que les familles et l'équipe de travail."

Malgré la profusion d'informations, d'articles et de reportages publiés et diffusés sur l'ensemble des médias en France, certains sujets empreints de solidarité et d'humanisme n'ont malheureusement bénéficié que de peu de place. Ce reportage de Sandra Fastré se distingue ainsi par la singularité du propos et de l'angle choisis. "On a beaucoup lu d'articles sur les conditions de confinement en Ehpad, notamment des situations dramatiques vécues au sein des établissements. On a beaucoup lu ou vu tout ce qui a trait à la distanciation sociale et aux initiatives de chacun pour se sentir moins seul et recréer un semblant d'interaction, comme le maintien du lien grâce aux nouvelles technologies. Mais on oublie un peu vite de nombreuses autres histoires qui se sont déroulées durant le confinement, aussi surprenantes que positives. Abordé sous la forme d'un reportage photographique, ce sujet prend une couleur différente grâce au principe du diaporama sonore. Ce format permet en effet d'entendre une voix, de découvrir une histoire singulière, particulièrement touchante. Dans le contexte actuel, il me semblait pertinent de travailler sur un format complémentaire qui donne vie au récit de vie de Florence", renchérit Sandra.

Je conclurai avec ces mots ponctuant la fin du reportage, mais pas la fin de l'histoire de Florence : "Depuis les annonces du gouvernement sur l'autorisation d'organiser des rencontres physiques aménagées entre familles et résidents, elle voit les sourires derrière les masques."

Qui ? Sandra Fastré photographe / Hans LucasOù ? Sa chaîne Vimeo

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