L'image

L'image matinale • Hommage à Eadweard Muybridge, par Rémy Armandh Huart


PAR Gérald Vidamment, Mardi 26 Mai 2020



Le collodion humide est un procédé utilisé dès 1851 par Frederick Scott Archer et durant une grande partie de la seconde moitié du XIXe siècle. Réalisée à la chambre grand format, cette photographie sur plaque de verre de Rémy Armandh Huart nous rappelle volontiers les travaux de décomposition du mouvement d'un certain Edward James Muggeridge, plus connu sous le nom d'Eadweard Muybridge.
"En 2017, j'avais proposé à Arnaud Aizergues - il faisait à l'époque partie de la troupe du Cirque du Soleil - de poser pour moi. Je souhaitais en effet produire une série traitant des différentes représentations de la masculinité. Arnaud me semblait alors parfait pour incarner la grâce. Je lui avais demandé d'apporter les vêtements les plus intemporels possibles car bien que le collodion fut majoritairement utilisé dans la seconde partie du 19e siècle, je ne souhaitais pas que la photographie puisse être datée, laissant ainsi libre court à l'imagination du spectateur pour placer le curseur chronologique à son aise", m'explique Rémy. "Dans mon travail, le rapport au temps est une préoccupation récurrente. Le choix du collodion humide en est l'illustration. Ce rapport diffère clairement dès lors que j'oublie l'argentique et le numérique pour me consacrer à cette technique."

Revenons à la séance qui fit naître l'image ci-dessus. "Ce jour-là, nous avons essayé plusieurs poses afin d'illustrer le propos souhaité, jusqu'à ce que l'on arrive à cette composition. Malheureusement, en image fixe, cela ne fonctionnait pas. Or, j'adorais ce mouvement empreint de spiritualité ; il illustrait une paix intérieur apportant de la profondeur à ce portrait. J'ai alors immédiatement pensé aux chronophotographies d'Eadweard Muybridge qui permettaient, par la décomposition d'un mouvement, de fixer différents moments en une seule image. Encore un rapport au temps passionnant... Pour beaucoup de personnes, la photographie a pour vocation de figer l’instant présent ; or, dans le cas présent, l'image montre un moment se déroulant dans le temps, sans pour autant avoir recours à de l'image mobile, comme le cinéma. À travers ce travail sur le temps qui passe figé en une image, on peut également se remémorer les photos de cinéma prises par Sugimoto qui optait pour une temps de pose durant tout le temps de la projection du film", raconte Rémy.

"Sur le plan technique, Eadweard Muybridge se servait d'éclairages stroboscopiques, ce que je n'avais pas. En général, je préfère en effet me débrouiller avec les moyens à ma disposition plutôt que d'acheter un matériel spécifique qui ne me servirait de toute façon qu’occasionnellement. Du coup, j'ai préféré recourir à l'éclairage continu que j'utilise habituellement pour le collodion, et profiter de la pose longue pour lui faire faire le mouvement en marquant une pose de cinq secondes pour chaque position ; cela produit un léger flou de bougé renfonçant l'impression de mouvement. Avec un stroboscope, je n'aurais pas obtenu ce flou : chaque position aurait été nette."

Qui ? Rémy Armandh Huart photographeOù ? son site web