Le capteur plein format pour (presque) tous ?


par Denis Jeant, le Mercredi 13 Mars 2013


Depuis peu sont arrivés sur le marché des reflex de gamme intermédiaire (autour de 2000 €, voire moins) équipés de capteurs plein format, c’est-à-dire d’une taille équivalente à celle des anciens films 35 mm argentiques, mesurant 24x36 mm. À l’origine, ce type de capteur était réservé aux modèles experts et professionnels, plus onéreux. Mais c’est à l’occasion de la dernière Photokina, en septembre 2012, que les deux géants japonais ont annoncé le lancement de modèles plein format plus abordables, les Nikon D600 et Canon EOS 6D.
À titre de comparaison, les reflex d’entrée de gamme possèdent le plus souvent des capteurs dits APS-C, d’une taille réduite, de l’ordre de 22x15 mm. Autrement dit, la surface d’un capteur plein format est plus de 2,5 fois supérieure à celle de la surface d’un capteur APS-C. À la prise de vue, cette différence impacte notamment l’angle de champ de vision, en appliquant un coefficient multiplicateur (ou de conversion) sur la valeur de la focale utilisée. Ce coefficient est lié à la taille du capteur équipant le boîtier.

Voici ci-dessous deux schémas indiquant les différentes tailles de capteurs en fonction des constructeurs et des modèles, ainsi qu’un tableau rassemblant les coefficients multiplicateurs correspondant au type de capteur.

Tableau de correspondance des coefficients multiplicateurs en fonction du type de capteur.

Faut-il se laisser tenter ?

Faut-il se laisser tenter par ces reflex plein format devenus abordables ? Bien sûr, on ne peut que se réjouir qu’une technologie se démocratise et devienne enfin accessible. Du point de vue des fabricants, il est nécessaire de proposer en permanence des nouveautés afin d’inviter les photographes à renouveler plus régulièrement leur matériel. Par ailleurs, le marché des appareils reflex se voyant aujourd’hui concurrencé par les appareils à objectifs interchangeables, dits hybrides (surtout ceux équipés de capteurs APS-C ou micro 4/3), le plein format devient dès lors un argument différenciant entre reflex de gamme moyenne et hybrides haut de gamme.
On entend souvent dire que « plus le capteur est grand, plus il est meilleur ». Il faut bien comprendre que la qualité de l’image dépend certes du nombre de photosites présents sur le capteur mais également de leur taille. Prenons l’exemple des Canon Eos 6D (plein format) et Eos 7D (APS-C). Si leur nombre de pixels est comparable (20,2 Mpx contre 18 Mpx), la différence de taille entre les deux capteurs contribue à l’obtention de plus grands photosites sur le modèle Eos 6D, garants d’une qualité d’image optimale.
Un capteur plein format favorise par ailleurs une meilleure gestion du bruit électronique.

Question d’usage

L’intérêt de passer au plein format dépend en bonne partie de l’usage du photographe. Une bonne question à se poser est de savoir si vous allez utiliser cet appareil à son plein potentiel et tirer le meilleur parti de l’investissement consenti. En photo animalière, par exemple, le coefficient multiplicateur (par exemple 1,5x) du capteur APS-C est généralement apprécié car il nous rapproche du sujet et rend par la même occasion les longues focales plus abordables. En utilisant un zoom 70-200 mm f2.8 sur un capteur APS-C coefficient 1,5x, vous obtenez ainsi l’équivalent d’un 140-300 mm. Un avantage de taille quand on sait qu’un téléobjectif 300 mm f2.8 coûte plusieurs milliers d’euros, selon les marques.
Notez que certains reflex équipés de capteurs plein format autorisent désormais le recadrage au format d’un capteur APS-C. Le Nikon D600 possède notamment une telle option de recadrage automatique au format DX (APS-C), avec un coefficient multiplicateur de 1,5x. Bien sûr, à relativiser en fonction de la densité de pixels des capteurs. Malgré des atouts certains, son équivalent en gamme chez Canon, l’Eos 6D, ne permet pas cette opération. C’est un des éléments à considérer si vous êtes tentés par le plein format et que vous évoluez dans la photo animalière. À noter enfin qu’à cadrages identiques, le fait de devoir s’éloigner du sujet (capteur APS-C) change singulièrement la perspective.
À l’inverse, si vous privilégiez la photographie de vastes panoramas au grand-angle, un boîtier plein format offrira une couverture plus large que celui d’un modèle APS-C, avec le même objectif. Les portraitistes préfèrent également le plein format en raison de l’incidence sur la profondeur de champ. Rappelons que la profondeur de champ dépend de trois facteurs : l’ouverture, la distance du sujet et la longueur de la focale. Votre sujet se détachera toujours mieux sur un fond bien flou.
Recadrage DX du Nikon D600 © Nikon

Côté budget, ne rêvez pas trop. Même si le plein format devient aujourd’hui plus abordable, la somme globale à investir reste conséquente. En effet, profiter d’un capteur plein format avec des optiques de piètre qualité ne présente qu’un moindre intérêt. De plus, avec des objectifs d’entrée de gamme, les aberrations chromatiques risquent d’être accentuées aux grandes ouvertures. Notez par ailleurs d’éventuels problèmes d’incompatibilité matérielle, nécessitant le cas échéant un renouvellement de votre parc optique. Ainsi, la gamme EF-S de Canon, spécialement conçue pour capteur APS-C, se révèle incompatible avec les capteurs plein format. Du côté de Nikon, la monture Nikon F est universelle, autorisant de fait l’usage sur un plein format de tous les modèles de la gamme d’objectifs Nikkor DX, spécialement conçue pour les capteurs APS-C. En revanche, le cercle-image produit par l’objectif Nikkor DX sera plus petit que celui produit par un objectif destiné au plein format (24x36), à moins que vous utilisiez une optique Nikkor DX avec un mode de recadrage automatique APS-C, disponible notamment sur le Nikon D600.