L'image

Le festival Shoot célèbre la photographie et son écrin, le livre


PAR Gérald Vidamment, Jeudi 15 Octobre 2020



Basé à Chamonix, le festival Shoot souffle cette année sa quatrième bougie. Pour cette nouvelle édition, l'équipe organisatrice a souhaité mettre à l'honneur l'édition photographique en invitant des auteurs, des éditeurs indépendants (Les éditions Saturne, Le Mulet, Halogénure) ainsi que plusieurs lauréats des Prix HiP 2019 du livre de photographie francophone.

L'édition photographique : l'essence de la programmation 2020

"Cela fait quatre ans que je réfléchissais à l'idée d'organiser une édition dédiée au livre de photographie", m'explique Laure Maugeais, du collège directeur de l'événement. "Le festival Shoot a toujours aimé questionner la place de l’image, sa forme, sa présentation, la façon et les lieux où la montrer. Un des fidèles partenaires est la Médiathèque de Chamonix et son équipe de passionnées ; cela faisait donc sens qu’à une de ses éditions Shoot prenne cette direction. Mettre l'édition à l'honneur, c'est sortir des cadres, partager la photographie sous une autre forme, surprendre et se faire plaisir.
Concernant les invités de cette année qui bénéficient de droits d’auteur, j’ai fait le choix de décliner l’idée suivante : Halogénure and guests ! Il s’agissait alors de faire découvrir de petites maisons atypiques mais dont les images sont très fortes : Le mulet, Saturne, et donc Halogénure. Je me suis notamment tournée vers cette revue, que nous avions déjà invitée lors du lancement du premier numéro. Un de leurs membres avait ensuite réalisé sa résidence ici dans le cadre de la troisième édition du festival. Cette année, Manu Jougla a assuré l’aspect relation avec les artistes de Halogénure and friends.
Et ce n’est pas tout, j’ai également proposé aux Prix HiP de représenter quelques auteurs afin de permettre le rayonnement de cette initiative."
Les livres de trois lauréats des Prix HiP 2019 sont ainsi mis en lumière dans le cadre d'une exposition dédiée. Il s'agit de Yohanne Lamoulère et son livre Faux Bourgs, aux éditions Le Bec en l'air, Gilles Roudière et son livre Trova, aux éditions lamaindonne, ainsi que Laure Maugeais et son ouvrage autoédité Motherhood.

Les Prix HiP 2019
Si le festival Shoot a été contraint à des aménagements spécifiques en raison de la situation sanitaire en France, il a réussi à se maintenir et ainsi proposer une offre culturelle fort bienvenue en cette période si particulière. "Étant donné le contexte sanitaire actuel, nous avons choisi de réaliser une édition plus modeste en termes de déploiement territorial", reconnaît Laure. "En effet, les autres années, il y avait des expositions dans l’ensemble de la communauté de communes. Cela dit, l’engagement humain et le propos artistique étant l’essence du festival, nous donnons à voir cette année des travaux éditoriaux exposés, des livres aux murs ainsi que des photos très grand format en extérieur pour les frileux des espaces confinés. Deux énormes cubes de 2,5 m ont jailli au cœur de la ville. Au-delà d’une proposition artistique pour tous, c’est également une manière d’explorer l’espace public. D’ailleurs, j’ai invité les éditeurs belges à réaliser un collage de leur projet intitulé 10x10. Celui-ci est une performance partagée entre dix photographes s'étant lancé le défi de fournir chacun dix images d’un lieu-dit. Trois opus pour trois lieux emblématiques de la Belgique : Garde de midi à Bruxelles, la côte Nord autour d’Oostende et enfin la forêt ardennaise. Pour chaque lieu, c’est donc cent photographies qui tentent d’offrir une image du territoire, une vue subjective, dix regards libres qui n’en forment plus qu’un."

© Jean-Pierre Angei
Le festival Shoot est également l'occasion de présenter le travail d'un photographe réalisé dans le cadre d'une résidence de création. "Celle-ci a en effet une place importante dans la dynamique du festival. L’intention est celle de proposer un espace, un temps et un budget sur un territoire incroyable ! Mon idée est celle de partager la chance que j’ai de vivre et de déployer ici ma création et mes projets personnels. Lors de cette résidence, je mets en réseau, partage mes contacts dans une démarche de faire ensemble et pousser la curiosité. La bourse s'élève généralement autour de 1000 à 1200 €, à laquelle s’ajoute la prise en charge de l’exposition ou de la micro édition, comme c’est le cas cette année. Jusqu’ici, j’ai toujours choisi un photographe venant de Rhône Alpes ; j’ai aussi réalisé un appel à projets. L’intention est celle de valoriser les démarches « locales », de donner à voir des regards croisés sur ce territoire alpin, et de soutenir des photographes qui ne font que peu - voire pas du tout - de résidence photographique.
Aucune limite de temps n’est imposée (de 7 jours à 1 mois), souhaitant que chacun soit libre, et surtout que le photographe invité bénéficie d’une résidence confortable pour expérimenter et se découvrir."

Cette année, c'est le photographe Jean-Pierre Angei qui a été sélectionné pour réaliser cette résidence. Il raconte : "J’œuvre depuis des années à mettre en valeur l’humain dans ce qu’il a de plus épuré, entre l’être et le paraître je m’attache plus à l’être dans mes portraits. En écho je photographie des histoires de lieux et de paysages habités, façonnés par l’homme et comme lui traversés par le temps. La résidence m'a permis de prolonger mon travail vers une trame de peaux, portraits, visages topographique et d’une radiographie aérienne révélée par les paysages de Chamonix. J’ai aimé pouvoir mettre en miroir la peau de la montagne avec celle de ses habitants. Interroger toujours les traces du temps." Les photographies sont prises en argentique noir et blanc au moyen format 6x6 et 24x36 mm.

Qui ? Laure Maugeais directrice du festivalOù ? festival Shoot, Chamonix