L'image

Maréva Druilhe, finaliste du Prix Voltaire de la photographie 2020


PAR Gérald Vidamment, Vendredi 22 Mai 2020



Photos : © Maréva Druilhe - Tous droits réservés
Le premier janvier dernier était lancé l'appel à candidature d'un nouveau prix : le Prix Voltaire de la photographie. Organisé en partenariat avec le Centre des monuments nationaux et consacré au portrait, celui-ci a pour vocation de "soutenir de jeunes créateurs par une dotation mais aussi en produisant puis en exposant leurs images lors d’une itinérance. Celle-ci débutera au château de Ferney-Voltaire. C’est donc tout naturellement que le prix emprunte son nom à Voltaire, patriarche de Ferney, philosophe des lumières et humaniste engagé." En novembre 2019, nous avions échangé avec Olivier Robert, initiateur du prix et directeur du festival des Confrontations Photo (lire l'interview).
Pour cette première édition, soutenue par Compétence Photo, plus de cent cinquante dossiers ont été reçus. Récemment, un comité de sélection s'est réuni afin de choisir les trois finalistes qui seront auditionnés en juin prochain par un jury de professionnels afin de présenter plus amplement leur travail et ainsi prétendre remporter la première édition du Prix Voltaire de la photographie.

Maréva Druilhe est la deuxième finaliste révélée par le Prix Voltaire 2020. Sa pratique de l'image remonte à la fin de son adolescence. Une période propice au questionnement de soi, et pour lequel l'appareil photographique apparaît généralement comme un outil de révélation ; à ceci près que le temps nécessaire pour obtenir de premières réponses s'avère le plus souvent fort long. Mais contrairement à ce que l'étymologie de son prénom - en tahitien, Maréva signifie femme pressée - laisserait à penser, la photographe nourrit très volontiers ses réflexions de lenteurs contemplatives.

"Fascinée par les travaux de Francesca Woodman qui viennent témoigner d’une démarche perpétuelle d’exploration de soi, je me suis rapidement interrogée sur l’utilisation de la photographie comme expression du rapport singulier que nous entretenons avec le monde", explique-t-elle. "J’ai commencé l’autoportrait à l’adolescence afin de comprendre et d'apprivoiser ce corps que l’on habite et qui parfois nous habite." Cette production d'images devient alors pour elle bien plus qu'un lâcher-prise ; une véritable libération. "Depuis longtemps passionnée par la rencontre énigmatique avec l’autre au dehors, ou l’autre à l’intérieur de soi, l’autoportrait est rapidement devenu une pratique cathartique. Cela me permet d’interroger mon histoire familiale, les legs et les convenances sociales, ainsi que le rapport au corps et plus largement, la question identitaire."

La série présentée pour le Prix Voltaire de la photographie s'intitule sobrement Huis Clos. Maréva y mêle des images réalisés sur plusieurs années, alternant les techniques mais cheminant toujours dans la même direction : la conquête de soi. Ce travail est "un portrait d’une personnalité en devenir", dit-elle avec retenue. "La série vient témoigner d’un travail introspectif à travers l’utilisation du média photographique et débute dans une maison familiale aux airs de forteresse. Bousculée par l’étude et la découverte des méandres de la psyché, aux prises avec une histoire familiale faite de portes condamnées et de fantômes dans des placards, cette série a commencé dans un moment de nécessaire positionnement." Les questions fusent. "Comment se construit ce que l’on nomme « Moi », cette personne unifiée et distincte des autres ? Comment faire évoluer ce corps étranger, pris dans le carcan de l’héritage familial ?"

Celle qui aime regarder danser les arbres et virevolter les passants avance masquée, dénudée. "La peau est perçue comme une interface entre deux mondes. Frontière entre soi et les autres, contenant de notre psychisme. « Du Moi-Peau au Moi-Pensant », pour citer D. Anzieu. La découverte de la camera obscura comme création d’un nouvel espace, au croisement de l’intime et de l’extime est venue enrichir mes réflexions, en offrant la possibilité de flouter les frontières. L’intérieur et l’extérieur se mêlent. Le décor peut devenir poreux, la peau mur, fenêtres ou arbres", semble-t-elle chuchoter.

Qui ? Maréva Druilhe photographe finalisteOù ? Prix Voltaire 2020