L'image

Quand les villes se tournent vers l'infini, Jérôme Cherrier les suit des yeux


PAR Gérald Vidamment, Lundi 10 Aout 2020



Photos : Jérôme Cherrier - Tous droits réservés
Cet été, à La Place des photographe, la photographie se conjugue au pluriel. Après une riche programmation en juillet, le mois d'août s'ouvre sur de nouveaux horizons ; notamment urbains. Si Jérôme Cherrier aime photographier les villes du monde, il aime également la nuit. Conjuguant ses deux passions, il expose Look up! du 3 au 29 août sur les murs du lounge de La Place des photographes.

Débutée en 2017 lors d'un séjour à Hong Kong, la série Look up! s'est construite dans le temps. "Pour la photographie d’architecture, c’est un lieu idéal", m'explique Jérôme. "On y trouve aussi bien des buildings modernes immaculés que de vieux immeubles au sein desquels il nous serait difficile d’habiter." Pour le photographe, la série peut être abordée de deux manières différentes. "D'une part elle interroge sur la place de l'homme dans l'environnement urbain qu'il a lui même créé, notamment dans des villes où la densité de population est très importante. Car même si aucun humain n'est visible sur les prises de vue, sa présence se traduit par exemple à travers le linge pendant dans le vide, tandis que le rythme des fenêtres s’assombrissant et s’éclairant témoignent de la vie qui s’y déroule. D'autre part, on peut l'aborder par le biais de l'esthétisme, en jouant sur les courbes, les droites, la symétrie et les couleurs. Ces photos peuvent parfois devenir abstraites. Qu'on y perde nos repères. J'aime que le spectateur se questionne, ne sache pas ce qu'il voit au premier abord."

Qui ? Jérôme Cherrier photographeOù ? La Place des photographes

L'exposition à La Place des photographes (Arles)

Des yeux à la perpendiculaire

Pour réaliser Look up!, Jérôme a opté pour un point de vue inhabituel, en contre-plongée à 90°. En somme, les yeux à la perpendiculaire. Si en photo d'architecture, on conseille généralement de lever les yeux sur ce qui nous entoure, Jérôme nous incite plus que jamais à braquer notre regard sur le ciel encadré de bâtisses sublimées. À dire vrai, on se croirait bien plus encore projeté dans le cockpit d'un ARC-170 starfighter entouré de vaisseaux amiraux... "En prenant le parti de poser l'appareil au sol, à la verticale, je voulais apporter une autre vision que celle que l'on a habituellement en regardant les lignes fuyantes d'un immeuble. Un objectif grand-angle permet de centrer le regard sur le ciel tout en englobant les immeubles vous entourant. Cet effet donne l'impression de "plonger" dans l'image. Dès les premières prises de vue, c'est la méthode que j'ai utilisée, apportant ainsi une cohérence et une identité à la série. D'autre part, il me semble important de laisser ce coin de ciel souvent au centre de la photo qui offre une ouverture vers l'extérieur", renchérit Jérôme.

Si certains lieux pourraient vous sembler familiers, d'autres interpellent assurément. Jérôme lève le voile sur ses destinations de prédilection. "L'Asie m'attire tout particulièrement. J'ai réalisé un premier voyage à Hong Kong où la densité de la ville m'a littéralement cueilli. Sachant que j'avais encore des prises de vue à effectuer, j'ai décidé d'y retourner. Lors de ce deuxième périple, j'ai pu me concentrer sur la photo d'architecture et plus particulièrement sur les Look up! Bangkok a également été une source d'inspiration. Mais les villes d'Asie ne sont pas les seules à me captiver. En France aussi nous avons notre lot de Look Up! Des cours parisiennes aux tours de la Défense, de Lyon ou encore de Rome ; out est photographiable. La seule règle est d'être curieux. De pousser quelques portes et de lever les yeux au ciel."
Quant au moment choisi pour saisir ces immeubles érigés, le photographe ne tergiverse pas : la nuit, assurément. "La nuit est un moment privilégié. Tout est différent. L'atmosphère, les lumières artificielles. Tout cela crée des images à la limite du surréaliste. C'est d'ailleurs une des raisons essentielles de mon approche. Friser avec la réalité et présenter une vision très personnelle de notre environnement. Les poses longues apportent également un effet vaporeux montrant le temps qui s'écoule", confie Jérôme.

Une dose de traitement

Outre le choix de la contre-plongée et de la prise de vue de nuit, les images de la série Look up! captent notre attention par le rendu foisonnant de tonalités ainsi que les fortes dynamiques de couleurs. Comment démêler le faux du vrai ? Jérôme ne s'en cache pas un instant : ses images font l'objet d'un post-traitement long, mais réfléchi. "Le post-traitement est un processus déterminant dans ce travail. Bien sûr, la prise de vue reste essentielle. Il faut cadrer au plus propre et réussir le cliché techniquement. Mais très vite, je me projette derrière mon écran. Je travaille à 95% sur Lightroom. La tâche consiste dans un premier temps en un redressement des verticales. L'architecture nécessite de la rigueur. Ensuite, un travail est effectué sur les contrastes et la luminosité, puis sur des zones précises. en d'autres termes, mettre en valeur des parties du cliché pour attirer le regard ou bien en assombrir d'autres. Guider l'œil du spectateur là où je veux l'emmener. Ce post-traitement est essentiel à mes yeux pour finaliser chaque photographie. C'est un côté que j'assume pleinement et qui me permet de faire de ces photos des clichés aux couleurs très pop, très déco."





Jérôme Cherrier à La Place des Photographes (Arles) © La Place des photographes